Matinée ensoleillée en compagnie de Petite Mouette. (PV Wet et Sably)

Ce jour-là était un jour comme les autres, et pourtant, Petite Mouette ne se plaignait jamais de la monotonie de sa vie. Sa mère, Étoile de Vie, était toujours très occupée, et Petite Mouette ne se sentait plus très à l’aise dans la Pouponnière. Elle avait l’impression d’étouffer, voilà pourquoi chaque matin elle se précipitait dehors, et se retrouvait seule, malgré le fait qu'elle était toujours entourée de félins, qui malheureusement avaient tous à faire.

Cette matinée ne faisait pas exception. La jeune chatte se réveilla en sursaut, après avoir reçu un coup de patte de l’un des chatons endormis. Sûrement avait-il fait un cauchemar, ou peut-être avait-il simplement le sommeil léger. En tout les cas, Petite Mouette eut l’impression de suffoquer, c’est pourquoi elle se leva d’un bond pour sauter à l’extérieur de la tanière.

Une fois à l’air libre, elle prit le temps de se calmer. Les battements de son cœur ralentirent peu à peu, et la douce brise matinale s’engouffra sous son duvet soyeux, afin de venir caresser sa peau, la rafraîchissant. La petite chatte s’éloigna de quelques longueurs de queues de l’entrée, puis commença sa toilette minutieuse, tout en observant le Camp déjà bien actif.

Au contraire des autres chatons, Petite Mouette avait pour habitude de prendre garde à sa propreté. En effet, elle avait découvert il y a déjà un moment de cela que les guérisseurs se devaient d’être impeccables, afin de ne pas apporter de bactéries en plus aux chats déjà affaiblis par la maladie, ou par une blessure.

Après s’être bien lustré le pelage, la petite entreprit son tour du Camp quotidien. Étant donné que les jeux de guerre ne l’intéressaient pas plus que tant, elle avait choisi de s’occuper en regardant le reste de son Clan, ce qui lui apprenait également des choses essentielles. C’est en se souciant des autres que l’on les comprend.

Cependant, il ne se passait rien d’inhabituel cette fois-ci. Les anciens râlaient après Nuage de Sable, qui venait leur apporter de quoi se nourrir, tandis que les vétérans débattaient tranquillement dans le coin qui leur était réservé. On pouvait même entendre les braillements qui émanaient de la Pouponnière, désormais à l’autre bout du Camp.

Petite Mouette avait hâte de ne plus être un membre passif du Clan, et de pouvoir enfin se rendre utile. Elle rêvait à nouveau de se trouver aux côtés d’Opale Scintillante, écoutant avidement son enseignement, tout en reniflant le parfum enivrant des plantes. Toute cette vie merveilleuse qu’elle s’était déjà imaginée tant de fois. Petite Mouette désirait ardemment être enfin « Nuage » de Mouette, et pouvoir sortir du Camp, découvrir le monde.

Elle restait persuadée que la nature était ce qu’il y avait de plus beau, et qu’il fallait en faire bon usage. Mais pour le moment elle devait se contenter d’attendre… Soudain, un gargouillement interrompit le cours de ses pensées. Elle vérifia autour d’elle que personne ne l’ait entendue, gênée, puis décida de partir en quête d’un camarade avec qui partager un repas.

À présent, même si elle se nourrissait également de proies rapportées par les guerriers et apprentis, Petite Mouette n’avait pas un assez grand appétit pour finir une proie entière à elle seule. C’est alors qu’elle aperçut Nuage de Sable, se prélassant au soleil. La petite chatte se dit que son aînée devait avoir terminé de s’occuper des anciens, et que peut-être elle serait d’accord de manger en sa compagnie.

Elle s’approcha alors timidement de la novice, se demandant si celle-ci allait accepter. Arrivée à sa hauteur, elle lui miaula doucement :

« Hum… Nuage de Sable ? Est-ce que je te dérange ? Tu voudrais manger avec moi ? »

Petite Mouette baissa ensuite le regard, hésitante. Elle remarqua alors que la jolie apprentie rousse aux yeux verts avait les pattes toutes blanches, ce qu’elle trouva très mignon. Elle-même ne se sentait pas spécialement belle, et elle se demandait si elle ne pouvait pas suivre la voie des guérisseurs, si un jour un chat pourrait nourrir des sentiments envers elle.

Tout d’un coup, elle se demanda si elle pouvait se permettre de penser ainsi, et se sentit terriblement honteuse. Elle secoua énergiquement la tête, avant de braquer son regard intense sur Nuage de Sable, attendant sa réponse avec impatience…

Nuage de Sable, jusque là encore allongée, se redressa alors d’un bond, au point de se faire aveugler par la lumière dorée de l’astre du jour. Pendant qu’elle s’y habituait, sa cadette réalisa que ce disque de feu à la fois si agressif lui procurait une chaleur réconfortante, comme s’il veillait sur elle. Elle se mit à imaginer le soleil beaucoup plus éloigné des Clans, et comprit qu’il ressemblerait certainement aux guerriers de jadis dans la Toison Argentée.

Petite Mouette n’eut pas le temps de se demander si cette étoile diurne pouvait être l’un des ancêtres des chats, l’un des membres du Clan du Lion, du Tigre ou du Léopard, que déjà elle sentit le regard chargé d’étonnement que sa camarade posait sur elle. En effet, bien que les deux chattes aient presque le même âge, Petite Mouette était encore très jeune lorsque son aînée avait séjourné avec elle dans la Pouponnière.

Toutes deux avaient partagé la même tanière, et pourtant, elles ne savaient que peu de choses sur l’autre. Malgré cela, les liens du Clan étaient forts, et il n’était jamais trop tard pour apprendre à se connaître. Nuage de Sable semblait un peu endormie, ce qui donna un peu mauvaise conscience à la petite chatte brune, qui reçut néanmoins une réponse positive :

« Pas de souci ! »

Tandis que la novice se levait tout en s’étirant, Petite Mouette remarqua l’éclat de sa fourrure rousse, qui resplendissait sous les reflets flamboyants du soleil. Émerveillée, elle ronronna lorsque Nuage de Sable lui miaula d’une voix enchantée :

« Allons chercher notre repas »

Acquiesçant, le chaton la suivit avec joie jusqu’à la pile de gibier. Le Clan était bien nourrit à cette saison, et même si la plupart de ses membres étaient déjà repus, il restait encore quelques proies. Petite Mouette, intriguée, s’interrogea sur les préférences alimentaires de sa camarade de Clan.

Elle-même aimait particulièrement la chair tendre des poissons, et cependant ne pouvait s’empêcher de saliver en humant le parfum doucereux d’un campagnol. Ces petits rongeurs devaient abonder sur le territoire du Clan, car on pouvait en sentir le fumet émanant du tas de gibier en toute saison.

Justement, Nuage de Sable plongea son museau au milieu des pièces restantes, puis en ressortit avec un campagnol pendant au bout de ses fines mâchoires. Celui-ci devait avoir bien mangé durant sa vie, Petite Mouette fixant avec envie cette petite boule épaisse. Elle en eut l’eau à la bouche. Finalement, l’apprentie lui demanda, articulant avec peine :

« Cha te va ? »

Alors Petite Mouette lui fit un signe de tête énergique, avant de se précipiter à quelques pas de là, à l’ombre de roseaux. La chatte rousse ne tarda pas à la rejoindre, et à peine eut-elle déposé leur repas, que le chaton se léchait déjà les babines avec appétit. Son ventre émit à nouveau un grondement, et Petite Mouette s’empressa de prendre une bouchée, afin que ces bruits cessent.

C’est alors qu’elle mangea pour la première fois en compagnie de Nuage de Sable. Une fois qu’elles eurent terminé, la jeune chatte soupira de soulagement. Elle avait enfin put satisfaire sa faim. Ensuite, elle se dit qu’elle souhaitait en savoir plus sur sa camarade, passer du temps avec elle. Pour engager la conversation, elle lui demanda :

« Nuage de Sable ? C’est comment d’être apprentie ? »

Elle s’attendait à une réponse enthousiaste venant de la novice, ce qui lui procura des frissons d’excitement. Elle se réjouissait de pouvoir enfin sortir explorer le monde.

Tandis que les deux jeunes chattes, rassasiées, demeuraient à l’abri de la chaleur, le reste du Clan se calmait peu à peu également. La patrouille de l’aube était déjà revenue depuis longtemps, et il en était de même pour les patrouilles de chasse. À ce moment de la journée, en cette saison, l’air ambiant se faisait lourd, presque écrasant.

Alors que les apprentis rentraient se reposer après leur repas de midi, certains couples de chats décidaient d’aller se promener. Petite Mouette regarda avec envie le compagnon de Plume de Cygne rentrer le pelage tout humide. En effet, la petite minette rêvait du jour où elle pourrait enfin se rafraîchir dans la Rivière, et non pas devoir se contenter de l’eau qui stagnait aux abords du Camp, car elle s’était en grande partie évaporée.

Le chaton brun tigré s’attendait à une réponse rapide de son aînée, qui pourtant resta muette un instant, l’air pensif. Petite Mouette trouva son ton un peu las, lorsque celle-ci lui miaula :

« Oh, hum… C’est génial, c’est sûr. Partir chasser, goûter à l’air frais du matin en courant dans les herbes folles. Participer à une patrouille avec les meilleurs guerriers. Quand tu es apprentie, je crois que tu te sens enfin importante. Enfin… Tu es aussi importante pour les anciens, crois-moi. »

Avant que Petite Mouette n’ait le temps de réagir, elle remarqua les yeux de sa camarade se diriger vers la tanière des anciens, tandis qu'elle esquissait une grimace. Finalement, elle poursuivit :

« Disons qu’il ne faut pas que tu t’attendes à tous les bons côtés, tu vas te faire incendier par les anciens quoi que tu fasses, et tout le monde gardera un œil constamment pour vérifier que tu fasses les choses bien. »

Petite Mouette fut surprise par le manque d’entrain de Nuage de Sable. Elle savait que celle-ci devait certainement regretter de ne pas avoir de mentor, ce que la petite chatte pouvait très bien imaginer, mais de là à s’attarder sur les tâches les moins intéressantes, et cependant tout aussi importantes…

La cadette se dit que ça ne la dérangerait pas tant que ça de s’occuper des anciens. Tout ce qu’elle voulait, c’était se rendre utile, aider les autres. Soudain, elle commença à dire ce qu’elle avait sur le cœur, à avouer son plus grand rêve pour la première fois, sans s’en rendre compte :

« Je ne veux pas partir à la chasse… Ni même en patrouille… Moi, ce que j’aimerais vraiment, c’est être apprentie-guérisseuse… »

À ces mots, elle stoppa net, réalisant ce qu’elle venait de dire. Le silence s’installa, et elle s'interrogea sur la réaction de son aînée. Petite Mouette n’avait encore parlé de cela à personne, elle n’avait même pas reçu de signe du Clan des Étoiles. Inquiète, elle se demanda s’il était possible de devenir la novice d’Opale Scintillante juste par envie…

Ses pensées tourbillonnaient dans son esprit, elle était très loin de la réalité, complètement bouleversée par ce qu’elle venait de dire. Néanmoins, quand son regard croisa celui de Nuage de Sable, elle se sentit apaisée, et tenta de ralentir les battements de son cœur. C’est alors qu’elle appréhenda la réaction de la novice…

Petite Mouette observait Nuage de Sable, qui semblait envier les autres novices. En effet, une petite patrouille d’apprentissage s’était formée, et s’apprêtait à sortir du Camp. La jeune chatte se demanda ce que son aînée pouvait bien ressentir. Elle devait mourir d’envie de les accompagner.

Pourtant, après la déclaration du chaton, l’attention de l’apprentie se focalisa sur la petite. Elle paraissait étonnée, ne sachant que dire. Elle aussi devait certainement être en train de méditer à ce sujet, pendant que Petite Mouette avait la tête en ébullition. À cet instant, le temps avait l’air arrêté. C’était comme si les deux chattes, immobiles, étaient indifférentes à ce qui les entourait.

Le soleil presque agressif commençait à envahir l’ombre qui les abritait, tandis que leurs fourrures, lisses en l’absence d’une quelconque brise, reflétaient sa lumière scintillante. Petite Mouette remarqua encore plus les détails qui lui étaient pourtant habituels, et elle fut éblouie par le pelage flamboyant de sa camarade.

Néanmoins, le silence ne pouvait pas durer éternellement. Nuage de Sable, à la fois curieuse et confiante, questionna sa cadette :

« Tu l’as dit à quelqu’un ? Tu en as parlé à Opale Scintillante ? »

À ces mots, Petite Mouette se figea. Elle n’avait jamais pensé à en parler à qui que ce soit, encore moins à la guérisseuse elle-même. Angoissée, et en manque d’assurance, elle sentit le besoin de demander conseil à sa confidente :

« Non, je… Personne n’est au courant, mais j’avoue que je n’ose pas tellement en parler… J’ai trop peur de la réaction d’Opale Scintillante, et puis, je n’ai même pas encore eu de signe de la part de nos ancêtres ! Que faut-il que je fasse ? »

Petite Mouette avait le regard intense, que les rayons du soleil rendaient suppliant. Elle était consciente que pour atteindre son but, il lui faudrait passer par cette barrière de ronce imposante. Cependant, une fois ce gué franchi, elle serait la plus heureuse des chattes, elle aurait enfin trouvé sa place.

À nouveau elle se mit à rêver de prairies verdoyantes, parcourues par les méandres de la Rivière, au beau milieu de la Saison des Feuilles Vertes. Elle se tenait au milieu, en train de renifler les parfums enivrants de la nature, à la recherche d’une plante qu’il manquait à leur réserve, à Opale Scintillante et à elle-même. Si seulement ce rêve pouvait devenir réalité…

Après tout, peut-être Nuage de Sable n’avait-elle pas tord. Peut-être fallait-il aller parler de ce vœu si cher à Opale Scintillante, afin d’être enfin fixée sur son avenir. Petite Mouette se décida finalement à ne plus contenir ce souhait fleurissant au fond d’elle-même. Elle sentait qu’il lui fallait en parler, comme elle venait de le faire avec l’apprentie, afin de soulager son pauvre petit cœur empli d’espoir, et cela avant que le fleuve de ses pensées ne sorte de son lit.

Dans ces yeux se dessina une lueur nouvelle, un éclat de détermination. Néanmoins, en petite chatte sage qu’elle était, elle attendait les recommandations de sa consultante…

Suite à la déclaration du chaton, Nuage de Sable plissa les yeux, certainement sans y faire attention, laissant à son esprit un temps de réflexion. Pendant ce temps, Petite Mouette eut le temps de se résoudre à ce qu’elle aurait dû faire depuis longtemps, aller voir Opale Scintillante et lui demander conseil. Pourtant, la peur la prit au ventre. Elle n’osait point imaginer ce qu’il adviendrait d’elle si jamais la guérisseuse lui annonçait que ce destin n’était pas pour elle. Elle angoissait à l’idée de se faire rejeter par le Clan des Étoiles, de se voir écarter de son rêve.

Petite Mouette n’avait encore jamais envisagé un avenir différent de celui-là. Elle ne s’était pas représentée, elle, d’ici quelques lunes, en train de patrouiller au bord des frontières ennemies. Car ça serait ce qui l’attendrait, être guerrière, si elle ne pouvait pas suivre les traces de celle qu’elle admirait tant. Avant de s’enfoncer plus encore dans ce qui devait être son cauchemars, la petite chatte brune se concentra sur la novice, qui lui répondit :

« Pour moi, tu devrais aller voir Opale Scintillante. Ou alors Etoile de Vie. Toutes les deux sont en contact avec le clan des étoiles, elles pourront sûrement t’aider. »

À ces mots, elle s’allongea confortablement sur le côté, laissant la douce chaleur diurne se répandre sur son ventre. Rien de mieux après un bon repas, même si Petite Mouette n’en n’avait pas le cœur. Elle resta plantée là, à intégrer calmement et résolument les paroles de son aînée. Si même Nuage de Sable le lui disait, la petite chatte n’avait pas le choix. C’était ça ou être condamnée à douter jusqu’au jour du baptême, à moins que ses ancêtres ne décident de forcer les choses en la recommandant à la guérisseuse… Le chaton prit sa décision, une décision irrévocable :

« Merci Nuage de Sable, tu as raison, j’irai voir Opale Scintillante demain ! »

Elle se sentait libre, ces ronces qui enserraient son âme depuis si longtemps avaient enfin été écrasées. Petite Mouette sentit au plus profond d’elle-même ce que c’était que d’avoir une amie. Quelque chose de chaleureux emplit son être, et elle adressa un regard reconnaissant à l’apprentie. Un jour, elle lui revaudrait ce service, car après tout, le rôle d’une guérisseuse était également d’être à l’écoute de ceux qui en avaient besoin, afin de les conseiller ou tout simplement d’alléger le fardeau de leurs soucis.

Finalement, la mère adoptive de Petite Mouette l’appela depuis la Pouponnière. Malgré le fait qu’elle n’était plus un nouveau-né, on ne la laissait pas encore passer de journée entière comme bon lui semblait. Alors c’est avec entrain et joie de vivre qu’elle vint lécher la joue de sa camarade, avec toute l’affection qu’elle avait à son égard. Ensuite, elle lui murmura :

« Je dois y aller, mais je te raconterai ma discussion avec Opale Scintillante, promis ! »

Ce fut comme si des ailes lui avaient poussées que Petite Mouette sautilla jusqu’à la tanière où elle logeait. Tandis que sa mère de lait lui léchait tendrement le pelage, le chaton s’endormit, près à faire de merveilleux songes. Elle était heureuse, et cela grâce à son amie Nuage de Sable…

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