Visite à la pouponnière (P.V.Petite Mouette et Nuage du Mistral)

Cela faisait presque une lune à présent que Petite Mouette avait appris son destin de guérisseuse. Depuis, il ne se passait pas un jour sans que la petite chatte brune ne se rende dans l’Antre d’Opale Scintillante. Curieuse et émerveillée, elle ne cessait jamais de lui poser tout un tas de questions, souhaitant en apprendre toujours plus. Le chaton se souvint d’un temps où elle jouait avec insouciance dans la Pouponnière, accompagnée de sa sœur de lait, Nuage du Mistral. Cette dernière, une chatte gris-bleu au regard vide de tout expression, n’était que de peu son aînée. Aux yeux de Petite Mouette, sa sœur était tout à fait normale. Sa cécité, attirant la pitié de nombre de membres du Clan, ne paraissait pas être un handicape pour elle, car elle n’en n’avait que plus développé ses autres sens. Bien sûr, cela ne devait pas être facile moralement de ne pas pouvoir voir le monde, de ne pas en connaître les couleurs, mais la minette brune était persuadée que sa sœur saurait trouver sa place. Il lui faudrait juste emprunter sa propre voie pour y parvenir, mais cela ne la rendait que plus unique.

Perdue dans le cours de ses pensées, Petite Mouette était en train de manger tranquillement son repas, un petit poisson argenté, non loin de la Pouponnière. Alors qu’elle rêvassait au sujet de Nuage du Mistral, elle la vit justement prélever deux proies sur la pile de gibier, puis s’empresser d’en apporter une aux anciens. Soupirant, le chaton regretta le peu de temps que sa sœur avait à lui accorder. En effet, ses devoirs en tant qu’apprentie lui prenaient un temps fou, et leur relation ne se faisait que plus distante. La petite chatte gardait pourtant précieusement en mémoire chaque instant passé avec son aînée. Une fois qu’elle eut enfin fini sa pièce de viande, Petite Mouette fila enterrer les os, pour finalement rentrer dans la Pouponnière. Désormais, l’odeur du lait ne lui était plus aussi écœurante que quand elle ne pouvait distinguer son avenir. Maintenant, celle-ci lui attirait la joie de ce qu’elle signifiait, la présence de nouveau-nés attendrissants.

Heureuse, Petite Mouette n’attendait pourtant qu’une seule chose. Son baptême d’apprentie. Elle désirait plus que tout au monde pouvoir être plus qu’un simple chaton. Assignée au Camp, hormis les rares occasions où Opale Scintillante l’emmenait avec elle cueillir des remèdes, la jeune chatte voulait à tout prix se rendre utile, faire un premier pas dans le monde des novices, pour ensuite acquérir de l’expérience. Et surtout, elle trépignait d’impatience à l’idée de se rendre aux Hautes Pierres, afin d’y rencontrer enfin les guerriers de jadis. Elle s’imaginait le savoir immense qu’ils devaient détenir. Tout en retenant des battements de queue excités, la petite chatte réussit à se focaliser sur ce qu’elle avait appris le jour-même. Le parfum des plantes, leur aspect, ce que l’on ressentait en déposant délicatement le bout des pattes dessus… Soudain, ayant activé ses sens sans y faire attention, Petite Mouette discerna un effluve familier. Se concentrant davantage sur ce qu’elle avait humé, elle reconnu Nuage du Mistral, à peine un instant avant que celle-ci ne franchisse la barrière de ronces protégeant la Pouponnière.

Une lueur brillante dans le regard, le chaton se redressa d’un bond, soudain joyeuse d’avoir retrouvé son rayon de soleil. Celle-ci avait l’air épuisée, mais elle avait tout de même fait l’effort de rendre visite à Petite Mouette, qui lui en était des plus reconnaissante. Tout en s’approchant de sa sœur, Nuage du Mistral miaula :

« Petite Mouette, je suis revenue de ma séance d'entraînement ! »

Alors la jeune chatte sauta à ses côtés, et vint se frotter tendrement contre elle, tout en émettant un ronronnement radieux. Elle lui donna ensuite un coup de langue affectueux sur la joue, avant de s’exclamer :

« Nuage du Mistral ! Tu m’as tellement manquée, je suis contente que tu sois là ! »

En l’examinant de plus près, Petite Mouette remarqua que sa sœur avait grandit. Elle la dépassait d’un peu plus qu’auparavant, et ses muscles s’étaient endurcis. Fière d’elle, la cadette dit encore :

« Alors, Cœur d’Écailles te fait travailler dur ? »

Tout en lui faisant signe de venir s’installer, le chaton alla s’asseoir sur sa couchette de mousse, guettant patiemment sa réponse…