Cueillette entre guérisseuses...[prive Wet et Palette]

Comme l’avait juré la veille Opale Scintillante, Petite Mouette allait faire sa première sortie hors du Camp ce jour-ci. Tout excitée, elle n’avait que peu dormi durant la nuit, tournant et tournant encore au creux de sa couchette de mousse. Un peu avant l’aube, le chaton se réveilla pour de bon. Ayant affirmé à la guérisseuse qu’elle serait prête à la première lueur diurne, elle bondit sur ses pattes, puis observa d’un air désapprobateur sa litière déchiquetée. Impatiente, elle soupira avant d’entreprendre une toilette minutieuse. Après avoir ôté toute tache verte de son pelage, et s’étant léché soigneusement la fourrure, elle scruta chacun des ses poils avec approbation. Une fois propre, elle sortit avec empressement de la Pouponnière, afin de se précipiter vers l’Antre de la Guérisseuse. Malheureusement, Opale Scintillante n’y était déjà plus. À peine la jeune chatte l’eut-elle constaté que les rayons du soleil naissant vinrent la chatouiller. Petite Mouette se demanda où pouvait bien se trouver son futur mentor, si ce n’est dans sa tanière. Faisant les cent pas, elle décida finalement d’aller jeter un coup d’œil vers le Promontoire, où elle discutait peut-être avec Étoile de Vie au sujet d’une vision. Pourtant, en trottinant en direction du rocher, la petite chatte brune aperçut la guérisseuse, non loin de la pile de gibier. Réalisant qu’elle n’avait pas mangé, elle se reprocha de ne pas y avoir pensé. Après tout, il fallait prendre des forces avant d’aller se promener. Souhaitant rattraper son erreur, elle courut se chercher un campagnol, puis alla rejoindre la chatte blanche. Arrivée devant elle, elle déposa sa proie. Enfin, comprenant qu’Opale Scintillante avait presque terminé son repas, elle engloutit le sien en à peine trois bouchées. Sa petite bouche remplie mastiqua en vitesse, afin de tout avaler en un instant. Petite Mouette ne s’était encore jamais empiffrée ainsi, mais à présent elle était parée à sortir. Souriant à la guérisseuse, qui finissait sa carpe aux arêtes d’un blanc immaculé, elle miaula joyeusement :

« C’est bon, je suis prête ! »

La queue battante, elle fixa Opale Scintillante d’un regard pétillant, n’attendant que de découvrir le monde. Déjà elle entendait la nature s’éveiller, que ce soit par le chant mélodieux des volatiles, les grignotements des rongeurs, le ruissellement de la rivière interrompu par les éclaboussures des poissons ou encore le bourdonnement des insectes. Tout en elle rêvait d’évasion, de communion avec ce qui l’environnait. Heureuse, elle désirait explorer, mais surtout trouver les plantes dont le Clan avait besoin. Elle qui n’avait encore jamais franchi le tunnel d’ajoncs constituant l’entrée du Camp allait bientôt ressentir un profond émerveillement…

La guérisseuse ne mit pas longtemps à se lever, non sans avoir préalablement passé sa langue râpeuse sur ses babines. Celle-ci intima à Petite Mouette de lui emboîter le pas, puis marcha fermement jusqu’à la sortie du Camp. Ensuite, elle s’avança au milieu des ajoncs, disparaissant complètement de la vue du chaton. La jeune chatte, qui jusqu’à présent n’avait cessé de gambader allégrement, s’arrêta subitement à l’entrée du tunnel. Elle avait grandi, et savait ce que sortir du Camp signifiait. Désormais, il était de son devoir de protéger les siens, elle n’était plus un nouveau-né à l’abri de la Pouponnière. Cependant, elle n’y réfléchit pas très longtemps, car l’enthousiasme la poussa à continuer. Joyeuse, elle bondit à travers le feuillage, puis en émergea de l’autre côté. Ce qu’elle découvrit devant elle l’émerveilla. Bouche bée, les yeux grands ouverts, elle observait l’immensité qui se dressait droit devant. Ce n’était clairement plus aussi confiné que là où elle avait grandi durant ses quatre premières lunes. Maintenant, le ciel ne lui paraissait plus être l’infini. La terre était bien plus riche à ses yeux, il y avait une multitude de choses inconnues à explorer. L’herbe était bien plus grasse qu’au Camp, sans doute épargnée des passages constants des félins. Les arbres y étaient bien plus nombreux, se dressant fièrement en hauteur. Les troncs étaient épais et durs, tandis que les branches longues s’étiraient vers le soleil, couvertes de verdure. Au loin, derrière un champ gigantesque, Petite Mouette pouvait apercevoir la rivière, bien plus tumultueuse que dans la Clairière qu’elle avait l’habitude de traverser. L’écume blanche s’en échappait, atterrissant tantôt sur le sommet des roseaux. Et cette diversité de plantes était ahurissante. Elles semblaient toutes vivantes, se nourrissant des bienfaits de la terre. C’était bien plus beau que dans les rêves les plus fous de la petite chatte brune. Finalement, Opale Scintillante murmura :

« Tu sens toutes ces odeurs ? »

Bien sûr, Petite Mouette n’en n’avait pas uniquement plein la vue, mais également plein le museau. Les pollens s’élevaient des champs, dansant dans la brise en toute liberté. Ils venaient chatouiller les narines du chaton, qui commença à courir. Au centre du tourbillon de parfums qu’elle entraînait derrière elle, se mélangeaient toutes ces fragrances pour n’en former plus qu’une, celle de la nature. Les odeurs de la faune venaient se faufiler vers celles de la flore, ainsi que les senteurs de la sève, des épines, et de toute combustion à l’état pur. Au bout de quelques longueurs de queue de renard, la jeune chatte s’arrêta, essoufflée. Elle venait de respirer la plus grande quantité d’air frais de toute sa vie. Elle avait aimé comme jamais le vent s’engouffrant sous sa douce fourrure, sifflant dans ses oreilles, le sol meuble et humide sous ses pattes. Époustouflée, elle s’exclama :

« C’est magnifique ! »

Et elle n'était pas au bout de ses surprises... La journée de faisait que commencer.